Certes, toutes les créatrices et tous les créateurs des années 80 n’ont pas eu la chance et le talent de pouvoir poursuivre la folle aventure… Mais certains d’entre eux l’ont vécue, mais ils ont participé avec brio, à cette évolution de la mode. Cette mode qui a continué jusqu’à présent.
Sybilla et la mode
Cinéma, photographie, design, mode, style de vie… le vent de liberté qui soufflait sur Madrid enfin libéré depuis 1975 de l’emprise franquiste a été baptisé Movida. L’une des figures emblématiques de ce mouvement qui a captivé l’Europe. Sybilla a présenté à Madrid une première collection de vêtements sur mesure en 1983. Prêt-à-porter féminin, souliers, sacs à main, accessoires ou lignes pour la maison, à la fin des années quatre-vingt, elle avait constitué tout un univers. Elle a réuni dans le cadre d’une maison particulière décorée par ses soins. Un parfum, des accords avec le Japon, son succès madrilène et un solide réseau d’amitiés permettent aujourd’hui à Sybilla d’exister en dehors des réseaux traditionnels de la mode. Figure discrète, originale et d’autant plus attachante.
Romeo Gigli
Créée en 1983, la marque de l’Italien Romeo Gigli imposait d’emblée son indépendance. Dans l’univers fonctionnaliste de l’efficace prêt-à-porter milanais, il s’adressait plus volontiers à une fille-fleur qu’à une battante. Avec des formes floues, un vêtement naturellement déstructuré, des harmonies de tons et une recherche de matière d’un raffinement proche de la préciosité. Aussi chastes que sensuelles, intimistes et jouant l’intemporalité. Mêlant des influences littéraires, des ornements ethniques, les collections de Gigli illustrent bien la multiplicité des tendances qui se partagent l’allure contemporaine. Les accessoires masculins font leur entrée dans cette mode avec la sacoche pour homme…
Christian Lacroix : la mode des années 80
C’est un effet d’électrochoc que provoque, sur l’ensemble de la haute couture parisienne, en 1987, l’arrivée de Christian Lacroix. Originaire d’Arles, né en 1951, celui qui s’affirme, outre comme le benjamin des couturiers, comme un esprit original et passionné par l’histoire du costume et des folklores du monde entier, parvient à éblouir la presse américaine. Elle le célèbre pendant un an. Véritable état de grâce au cours duquel Lacroix met Paris et Madison Avenue à l’heure de la Provence, des cigales et des belles Arlésiennes. Tandis que le prix des bastides monte en flèche dans les Bouches-du-Rhône… Les femmes s’essayent aux jupons à volants, aux crinolines à pois, aux corselets rebrodés.
La tournure refait son apparition, les châles se croisent sur les poitrines, le sac à bandoulières symbolise la liberté… Les boites de nuit où le flamenco revient à la mode se peuplent de Carmen et de vierges sévillanes. Doué d’une vaste connaissance de l’histoire du théâtre et de l’opéra, le couturier a aussi dessiné les costumes qui ont accompagné plusieurs productions. Notamment, celles de Gaieté Parisienne, un ballet de Mikhail Barychnikov au Metropolitan Opera de New York… Et de Carmen, dans les arènes de Nîmes, en juillet 1989. À la fin d’une décennie, sur la seconde moitié de laquelle il laisse une trace indélébile. Christian Lacroix lance une fragrance contenue dans un flacon baroque à souhait. Pied de nez ou fatalisme, on la baptise C’est la vie.