Mont Saint Michel

Deux fois par jour, la marée haute prend possession des prés normands et des sables mouvants. Au large, le rocher de granit, caressé par les vents et les flots, redevient alors une île. De loin, l’abbaye du Mont-Saint-Michel ressemble à une pyramide dressée vers le Ciel.

On songe alors aux pèlerins qui pendant plus de mille ans ont emprunté les chemins de paradis, ces routes conduisant à ce mont sacré, déjà lieu de culte au temps des druides. Aujourd’hui c’est le vélo électrique qui remplace le marcheur… D’immenses escaliers qui traversent les fondations, puis les salles d’accueil des pèlerins, mènent à la Merveille, constituée de l’église et des bâtiments réservés aux moines. Et là, entre ciel et mer, apparaît le cloître, dont les fines arcades gothiques enserrent un jardin médiéval.

Une histoire prestigieuse

Aubert, évêque d’Avranches, aurait entendu en 709 un appel de l’archange Michel à construire un oratoire sur un îlot rocheux. Un an plus tard, la première église y était édifiée et l’îlot reçut le nom de Mont-Saint-Michel-au-péril-de-la-Mer. Transformée en abbaye bénédictine en 966, l’église connaîtra des reconstructions et des agrandissements successifs. Devenue un centre spirituel et intellectuel de renom, avec notamment une bibliothèque d’une grande richesse, l’abbaye est menacée par les Anglais. On l’entoure alors de remparts et de tours qui protégeront le mont pendant la guerre de Cent Ans. À la Révolution, les moines sont chassés et l’abbaye est transformée en prison jusqu’en 1863. Très dégradé, le Mont-Saint-Michel fera l’objet d’une importante restauration.

Un avenir protégé

De nouveau, une petite communauté monastique habite depuis 1966 l’ancien logis abbatial. Le Mont-Saint-Michel est devenu une des principales attractions touristiques de France, avec plus de trois millions de visiteurs par an. Malheureusement, une route en digue a été construite pour en faciliter l’accès, ce qui a modifié l’orientation des courants et entraîné l’ensablement de la baie. Un projet adopté en 2006 a permis aujourd’hui, entre autres mesures, de déplacer les parkings et de remplacer la digue par un pont sous lequel l’eau circule librement. Ce pont est accessible à de nombreux véhicules, mais également aux promeneurs, aux vélos et vélos électriques

La baie du Mont-Saint-Michel, un mirage entre mer et sable

Si l’incroyable abbaye édifiée au siècle a fait la renommée de ce point prestigieux du Cotentin, la baie qui l’abrite n’est pas étrangère à la fascination qu’exerce le site. Situé entre Carolles, à l’est, et Cancale, à l’ouest, cet espace immense, qui se couvre sur quelque 300 km2 de sable et de vase, connaît un marnage exceptionnel qui compte parmi les plus importants du monde.

Les flèches de l’abbaye se dressent au milieu d’un paysage de sable mouillé dont la vie est depuis des siècles soumise au rythme des marées. Cet espace immense et fascinant, inscrit depuis 1979 sur la liste du patrimoine mondial de l’Unesco, accueille chaque année des millions de touristes.

Un immense estran

Dans cette vaste échancrure de la Côte où se niche la baie, l’estran, cette zone littorale située entre la basse mer et la haute mer, se développe sur 250 km2 ! Un record lié à l’amplitude extrême des marées… Le marnage peut en effet atteindre 15 m, ce qui le place en 5ème position dans le monde (en Méditerranée, le marnage est de 40 cm environ !).

Sables mouvants…

Trois rivières la Sée, la Sélune, le Couesnon drainent la partie orientale de l’estran. Leurs estuaires sont rendus mobiles par les ondes de marées qui provoquent de forts courants alternatifs. Ces mouvements font de l’estran un espace dangereux, traversé par de nombreux bancs de sables mouvants (les lises). Du fait de l’importance du flux montant de la mer par rapport au reflux, la baie connaît une forte sédimentation.

…et herbus

Sur l’épaisse couche de sable fin, haute de 15 m, se sont formés les herbus… Ces étendues sont couvertes d’une abondante végétation halophile (adaptée aux sols riches en sel) qui constitue une zone de pâture pour près de 13000 moutons. En raison des propriétés de leur régime alimentaire, ces ovins portent le nom de prés-salés.

Les menaces du sable

Les cartes indiquent la zone de balancement des marées. Celle du Mont-Saint-Michel est la plus importante d’Europe continentale. Par grande marée, la mer se retire à 18 km des côtes et remonte avec une vitesse qui entraine d’importants mouvements de sédimentation accrus par les nombreux aménagements humains (polders, digues). Réellement menacé d’ensablement, le Mont-Saint-Michel n’est désormais entouré par l’eau qu’une trentaine de jours par an. C’est depuis le Mont que la baie se révèle dans toute sa splendeur. Les herbus, couverts d’une végétation dense propre aux sols riches en sel, forment d’abondants pâturages.

Un écosystème important

La richesse écologique de la baie en a fait un site idéal pour la mytiliculture et l’ostréiculture, notamment autour de Cancale. C’est également un site de nurseries pour près de 70 % des poissons sillonnant le golfe de Bretagne et pour la crevette grise… Ainsi qu’un espace de transit pour les espèces migratrices (saumon, anguille, truite de mer). Phytoplancton marin, algues et herbus sont à l’origine d’un réseau trophique très riche au sommet duquel se trouvent les oiseaux. En hiver, ils sont des milliers à faire de ce site l’une de leurs étapes migratoires.